Si la prise de conscience mondiale relative au changement climatique augmente, certaines régions du monde souffrent déjà de ses conséquences. Dans l'une de ces régions, aux Philippines, l'Organisation Internationale du Travail (OIT) a lancé un nouveau projet pour atténuer l'impact du changement des constantes climatiques sur l'économie locale. Cette expérience illustre le défi que représente l'adaptation au changement climatique ; ce fût l'un des thèmes à l'ordre du jour des discussions qui ont réunit 2 500 participants à Bangkok jusqu'au 9 octobre afin de préparer la Conférence des Nations Unies sur le changement climatique, prévue à Copenhague en décembre.
Gingging Poyo câline son bébé à la fin d'une journée de travail. La jeune mère, âgée de 31 ans, fait partie du personnel d'entretien du site du lac de Jabonga. «J'ai grandi ici, c'est pourquoi j'ai décidé de m'y installer avec ma famille», dit-elle.
Jabonga, l'une des 11 villes situées dans la province philippine d'Agusan del Norte, semble présenter de nombreux atouts naturels pour une jeune famille : des paysages de montagne, des rochers, des grottes sous-marines, des cascades, des sites de plongée et un lac d'eau douce. Cependant, la modification du climat à Jabonga affecte de nombreux résidents, y compris Gingging et sa famille.
«Nous subissons de fortes inondations en raison de violentes pluies et de typhons. La météo est imprévisible. Il faut environ deux à trois mois pour que le niveau de l'eau baisse, explique Gingging. Mes enfants ne peuvent pas aller à l'école. Nous dépendons du maigre revenu que mon mari tire de la pêche, mais il ne peut même pas sortir de la maison pour aller travailler. Nous n'avons rien à manger. Nous n'avons d'autre choix que d'utiliser des conserves et de compter sur l'aide alimentaire.»
Le maire de Jabonga, M. Glicerio Monton Jr confirme. Il constate les effets du changement climatique sur les communautés de l'Agusan del Norte qui dépendent pour beaucoup de la pêche et de l'agriculture. «Le changement climatique entraîne d'ores et déjà son lot de graves inondations à Jabonga, de 4 à 5 mètres de haut, souvent entre décembre et février. Les gens n'ont aucune source de revenu. Nous devons compter sur nos propres recettes locales pour offrir des emplois temporaires», explique-t-il.
«Avant, seulement 20 pour cent des eaux du lac ou de la mer se déversaient jusqu'aux zones exploitées par la communauté, aujourd'hui on est passé à environ 80 pour cent. Cela a affecté la production agricole de riz, de maïs, de légumes et d'arbres fruitiers.»
L'expérience de Jabonga montre combien le changement climatique affecte profondément la vie des gens – pas seulement au plan environnemental mais socialement, économiquement et politiquement. Les répercussions de ces changements seront débattues au cours des discussions de Bangkok sur le changement climatique, la dernière d'une série de réunions préparatoires de la Convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique (CCNUCC). La réunion de Bangkok, du 23 septembre au 9 octobre, avec environ 2 500 participants, prépare la Conférence des Nations Unies sur le changement climatique qui se tiendra à Copenhague du 7 au 18 décembre 2009.
Près d'un tiers des terres de l'Agusan del Norte est classé comme terres agricoles et la province est l'un des plus gros producteurs de riz des Philippines. Les principales autres récoltes sont la noix de coco, le maïs, la mangue, la banane et les légumes. Récemment, le changement climatique a provoqué la chute de la production alimentaire, suscitant l'inquiétude quant aux graves conséquences pour les communautés les plus pauvres.
Mme Modesta Lim, Présidente de Femmes dans le développement des petites entreprises à Caraga, Inc. (WISE-DEV), confirme que le changement climatique crée une véritable menace sur la production alimentaire et les moyens de subsistance des femmes au sein de la communauté. WISE-DEV, qui fut fondé en1976, aide les femmes de la région d'Agusan del Norte en les initiant à de nouveaux moyens de subsistance et les formant à de nouvelles compétences.
«Nous organisons les femmes du secteur informel. Nous avons reçu un premier financement du ministère du Travail et de l'Emploi pour dispenser une formation pour le traitement des aliments. Les femmes ont pu gagner leur propre argent et épargner pour leur famille», a précisé Mme Lim.
Cependant, les choses changent. «Les pluies diluviennes et les inondations gigantesques ont provoqué une substantielle hausse des prix des ingrédients comme la farine. Les femmes qui dépendaient principalement de l'agriculture pour gagner leur vie parce que leurs maris travaillaient comme fermiers nous empruntent de l'argent en raison des maigres récoltes. A la fin, elles ont du mal à rembourser leur crédit et à épargner pour leur famille», ajoute Mme Lim.
«Malheureusement, les fermiers pauvres qui vivent souvent dans des zones exposées aux inondations ne dépendent que de leur maigre revenu tiré de l'agriculture et n'ont pas les moyens de s'acquitter du coût d'adaptation», a déclaré Mme Linda Wirth, directrice du Bureau sous-régional de l'OIT pour l'Asie du Sud-Est et le Pacifique, à Manille. «Des moyens de subsistance alternatifs et des conditions favorables à la mise en place de ces alternatives deviennent donc nécessaires.»
En réponse, à la fin d'août 2009, l'OIT a lancé un projet intitulé «Communautés agricoles résistant au climat dans l'Agusan del Norte grâce à des mécanismes novateurs de transfert des risques». Le projet, d'une durée de trois ans, est financé par le gouvernement espagnol grâce au fonds pour la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement ; il est mis en œuvre en partenariat avec le ministère du Travail et de l'Emploi, le ministère du Commerce et de l'Industrie, et avec le gouvernement provincial de l'Agusan del Norte.
«Nous reconnaissons la nécessité d'une approche intégrée et globale pour se préparer au changement climatique à long terme. Ce projet va examiner l'adaptation à l'évolution du climat sous tous ses angles, non seulement environnemental mais aussi social, économique et politique. Des recherches, l'élaboration de lignes de conduite ainsi qu'un travail de plaidoyer seront menés en parallèle à la formation, au développement des qualifications et de l'entreprise», a indiqué Linda Wirth.
Ces interventions pratiques, associées à la perspective d'une action politique internationale, donnent de l'espoir à ceux qui veulent préserver leur mode de vie et combattre les répercussions négatives du changement climatique. Le projet fait partie du programme global du Bureau International du Travail sur les emplois verts qui est actuellement en vigueur dans une dizaine de pays. «J'espère qu'il y aura de nouveaux emplois, de meilleure qualité, dans notre communauté», confie Gingging en embrassant son bébé. «Je prie pour que mon enfant puisse avoir une bonne éducation en dépit de notre situation.»
Cette année sera cruciale dans les efforts internationaux pour faire face au changement climatique. Le Secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon l'a dit aux dirigeants mondiaux réunis au sommet de New York sur le changement climatique le 23 septembre: «Vos paroles ont été entendues partout dans le monde. Faisons maintenant en sorte que nos actions soient visibles. Il ne nous reste que peu de temps. La possibilité et la responsabilité d'éviter un changement climatique catastrophique est entre vos mains.»