Pourquoi parler de pollution de l'air ?
La qualité de l’air extérieur est en relation directe avec l’air que nous respirons à l’intérieur de la maison et reste une des préoccupations majeures de la population. Cette rubrique vous permettra de vous familiariser avec ce sujet et vous proposera des pistes pour compléter vos connaissances.
La pollution de l'air résultant des activités humaines induit des impacts sur la santé qui sont connus depuis plusieurs décennies. Toutefois, la nature du problème a considérablement changé. La principale source de nuisances s'est modifiée, de l'industrie aux transports, et sa maîtrise demande l'application de solutions concertées qui renvoient clairement à des choix de société, individuels et collectifs, en matière de mobilité.
Suite principalement à des catastrophes telle que celle de décembre 1952 à Londres, où un smog (c’est d’ailleurs lors de cet épisode que le nom smog a été consacré. Il s’agit de la contraction des mots smoke : fumée et fog : brouillard) persistant tua plus de 4'000 personnes, les différents pays ont mis en place une série de mesures d'assainissement destinées à réduire drastiquement et, à terme, à stabiliser les émissions des principales substances polluantes : dioxyde de soufre (SO2), oxydes d'azote (NOx) et poussières fines. A l'époque, ces dernières étaient principalement issues de l'industrie et des systèmes de chauffage.
Toutefois, le développement constant du trafic motorisé individuel a progressivement fait émerger une nouvelle source de pollution. Si des mesures d'assainissement, à caractère technologique ou réglementaire (obligation du catalyseur, véhicules plus économes en essence ou diesel, carburants moins polluants) ont été imposées, leurs effets ont été amoindris par l'augmentation du nombre de véhicules en circulation. Cette source de pollution de l'air, aujourd'hui prédominante (en Suisse, environ 36% des émissions, contre 28% pour l'industrie et 26% pour l'agriculture), produit des impacts en termes de santé qui ne sont pas aisés à mesurer. Ceci en raison de la grande difficulté à relier systématiquement un polluant particulier à une maladie ou à une cause de décès précises.
Dans cette perspective, la responsabilité de chaque citoyen-ne est de plus en plus sollicitée.
Quels sont les impacts de la pollution de l'air sur la santé en Suisse ?
Au courant des années 90, d'importantes études épidémiologiques ont été réalisées en Suisse concernant les impacts de la pollution de l'air sur la santé humaine. Développées dans le cadre du programme national de recherche "Homme, santé et environnement", elles se sont attachées à explorer les liens entre des symptômes et les niveaux de pollution, aussi bien chez les adultes (étude SAPALDIA), que chez les enfants (étude SCARPOL).
Ces études ont mis en évidence une diminution de la capacité pulmonaire et une accentuation des problèmes respiratoires (toux, sécrétion de mucus) et des maladies des voies respiratoires (bronchites, grippes) dues à des trop fortes concentrations de poussières fines (PM10:poussières en suspension inférieures à 10 microns). Ces incidences augmentent encore, de manière différenciée, si l'on habite en zone fortement polluée (les villes) et si l'on appartient à des groupes à risque (fumeurs, personnes exposées à la fumée passive).
Les personnes âgées ou les personnes souffrant déjà de maladies des voies respiratoires et du cœur sont les plus concernées par l'augmentation du nombre d'admissions dans les hôpitaux consécutives à la pollution de l'air. Enfin, on a relevé que la pollution de l'air peut provoquer des décès chez les personnes gravement malades.
Le cas particulier du trafic motorisé
Les chiffres de la mobilité
Le dernier rapport sur la mobilité en Suisse, présenté par les Offices fédéraux de la statistique et du développement territorial est assez éloquent : depuis 1984 la population en Suisse se déplace davantage et plus longtemps et le choix du moyen de transport n'a pratiquement pas changé, le transport individuel motorisé (voiture, moto, cyclomoteur) approchant le 70% des distances journalières parcourues et le 44% du temps de déplacement, contre 19% et 18% pour les transports publics, ainsi que 6% et 7 % pour le trafic non motorisé (marche, bicyclette).
A cela, il convient d'ajouter un taux moyen d'occupation des voitures qui reste très bas (1.59 personnes/véhicule). Il faut encore signaler que les principaux motifs de déplacement sont les loisirs, et cela aussi bien pendant la semaine que pendant les week-ends.
En ce qui concerne le trafic d'agglomération on relève des grandes différences entre Suisse alémanique et Suisse romande. A Zurich, Bâle et Berne, les transports non motorisés sont préférés aux transports individuels motorisés (52% de toutes les "étapes" effectuées contre 29%) alors qu'à Genève et Lausanne c'est l'inverse qui se produit (transports non motorisés 39% et transports individuels motorisés 46%). Les transports publics se situent, sur l'ensemble du territoire entre 12% (Genève) et 16% (Zurich).
Les impacts sur la santé
La prédominance des transports individuels motorisés, inchangée au cours des années malgré les efforts entrepris pour promouvoir des modes de transports moins ou pas polluants, se traduit par des impacts non négligeables en termes de santé, et qui touchent davantage les régions à haute concentration de trafic, telles que les agglomérations.
Des études épidémiologiques récentes (Künzli et al., Public-health impact of outdoor and traffic.related air pollution: a European assessment, The Lancet, Vol. 356 septembre 2000, pp. 795-801) ont essayé de quantifier les impacts de la pollution de l'air résultant du trafic en termes de maladies et de décès, en estimant également les conséquences en termes de coûts. Les polluants de référence utilisés dans ces études sont les poussières fines (PM 10). Ces dernières, malgré la difficulté reconnue à établir un lien de causalité entre type de polluants et maladies, constituent néanmoins un indicateur représentatif pour évaluer les impacts sur la santé des substances polluantes.
Les résultats obtenus mettent en évidence que le 53% des maladies et des décès dus à la pollution de l'air sont attribuables au trafic.
Cela représente:
- 12'500 cas d'asthme d'enfants;
- 33'200 cas d'asthme d'adultes;
- 1600 cas d'hospitalisation pour cause cardio-vasculaire;
- 1800 décès (projection sur le long terme).
En termes de coûts, cela représente une somme de 3.4 milliards de CHF (313.-CHF par habitant), ce qui correspond environ au 1.1 % du Produit national brut.
L'exposition moyenne de la population aux PM10 est de 21.4 µg/m3 par personne, alors que le seuil légal est fixé à 20 µg/m3.
On peut aussi relever que la part de ces PM10 attribuable au trafic augmente de manière significative lorsque celles-ci atteignent de fortes concentrations. La principale conséquence de ce phénomène est que les impacts sur la santé résultant du trafic routier se font davantage sentir dans les villes et agglomérations, qui, en raison d'une plus grande densité de trafic, sont davantage exposées à des plus hautes concentrations de PM10.
Que faire ?
Afin d'apporter des réponses efficaces à ce problème, il conviendrait d'agir à deux niveaux:
- sur l'offre, en promouvant les transports publics, les autres moyens de transports moins polluants ainsi que les solutions combinées entre différents moyens de mobilité;
- sur la demande, en sensibilisant les citoyens-ennes pour qu'ils/elles adoptent des comportements de mobilité plus respectueux de la qualité de l'air et de la santé de toute la population.
Une attention particulière doit être portée au problème de la mobilité au niveau des agglomérations et des villes, ainsi qu'à la mobilité de loisirs. Les solutions sont multiples et en partie déjà en œuvre, mais il conviendrait de les développer davantage et d'en consolider les synergies.
En matière de transports publics :
- offrir des réseaux de transports plus attractifs pour les usagers ;
- combiner transports publics et transports privés motorisés, à travers la création de zones de stationnement à l'extérieur des villes et des agglomérations bénéficiant d'un accès facile aux transports publics, le tout payable à travers un abonnement combiné; c'est le système du Park and Ride.
En matière de transports non motorisés, des solutions existent également :
- l’extension des réseaux de pistes cyclables et la sécurisation du réseau existant ;
- la création de zones piétonnes ;
- la modération du trafic ( aménagements et zones à vitesse réduite) ;
- la mise sur pied de campagnes d’information et de sensibilisation du public ;
- le développement d’initiatives originales (ex : le projet Genèv’Roule qui à, l’initiative de la Croix-Rouge, met à disposition des vélos, tout en permettant l’intégration sociale de certains groupes de la population ou la Ville de Genève qui met à la disposition de ses employés 50 vélos pour les déplacements professionnels…).
Il en est de même pour les transports individuels motorisés :
- le co-voiturage entre collègues de travail ou entre usagers, devrait être encouragé ;
- l’auto-partage (il existe des coopératives d’auto-partage qui offrent la possibilité de réserver ponctuellement une voiture, tout en proposant des combinaisons avantageuses avec les transports publics) ;
- les incitations financières directes des cantons et des communes. Par exemple, le Canton de Genève favorise les personnes qui achètent une voiture peu polluante (existence d'une liste agréée par le Canton), en les exemptant de tout paiement de la taxe automobile pour une période de 3 ans. La Ville de Lausanne a, de son côté, offert une subvention de plusieurs centaines de francs, à toute personne achetant un scooter électrique ;
- les efforts entrepris au niveau de la recherche et dont les résultats ont été mis en œuvre par les constructeurs. Des solutions plus respectueuses de la qualité de l'air sont déjà disponibles pour le grand public: moteurs à consommation réduite et moins polluants, véhicules hybrides (essence-électricité), carburants alternatifs (biocarburants),…Quant aux développements à venir, ils sont susceptibles d'apporter une contribution fondamentale à l'amélioration de la qualité de l'air, tels les moteurs à hydrogène, dont les émissions polluantes seraient réduites à zéro.
Pour en savoir plus sur la pollution de l'air…